pour faire face à l’épidémie de coronavirus, notamment celles ordonnant la fermeture des lieux accueillant du public,
Covid-19 et Baux commerciaux : les conséquences de la fermeture des commerces
IMMOBILIER COMMERCIAL
Les conséquences de la fermeture des commerces
Publié le mardi 14 avril 2020
C’est fermé : injonction administrative aux commerces « non essentiels ».
Les baux commerciaux sont fortement impactés par :
- les mesures prises par le Gouvernement
- l’ordonnance relative au paiement des loyers
prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
La fermeture des lieux accueillant du public fait partie des mesures arrêtées par le gouvernement pour ralentir la propagation du virus.
L’état du droit résulte d’un arrêté du 14 mars 2020 (JO, 15 mars) complété par un deuxième arrêté du 15 mars 2020 (JO, 16 mars).
Remarque : ces deux arrêtés doivent être combinés avec le décret du 16 mars 2020, publié au JO du 17 mars 2020, qui interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sauf exception.
Dans le préambule de ce dernier arrêté, il est énoncé une règle générale : « Considérant que l’observation des règles de distance étant particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public, il y a lieu de fermer ceux qui ne sont pas indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse (…) ».
L’article 1er de l’arrêté du 15 mars 2020 vise les établissements recevant du public (ERP) concernés par la fermeture :
- au titre de la catégorie L : Salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;
- au titre de la catégorie M : Magasins de vente et Centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes ;
- au titre de la catégorie N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le “room service” des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;
- au titre de la catégorie P : Salles de danse et salles de jeux ;
- au titre de la catégorie S : Bibliothèques, centres de documentation ;
- au titre de la catégorie T : Salles d’expositions ;
- au titre de la catégorie X : Etablissements sportifs couverts ;
- au titre de la catégorie Y : Musées ;
- au titre de la catégorie CTS : Chapiteaux, tentes et structures ;
- au titre de la catégorie PA : Etablissements de plein air ;
- au titre de la catégorie R : Etablissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf ceux relevant des articles 4 et 5″.
Remarque : les ERP de la catégorie M sont autorisés à maintenir leurs activités de « livraison et de retraits de commande » et ils peuvent rester ouverts pour les activités figurant en annexe de l’arrêté (notamment : Commerce d’alimentation générale, Commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé); les ERP de la catégorie N sont autorisés à maintenir leur activité de « vente à emporter et de livraison ». On notera par ailleurs qu’il n’existe pas de définition légale d’un centre commercial et qu’il faut se référer à la notion plus générale “d’ensemble commercial” définie par l’article L. 752-3 du code de commerce.
Outre ces deux arrêtés et le décret du 16 mars 2020, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, publié au JO le 24 mars 2020 permet de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers pour les seules « microentreprises », au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 (moins de 10 personnes; chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros).
Plusieurs associations et fédérations représentatives des bailleurs (Caisse des Dépôts, CNCC etc …), dans un communiqué de presse du 20 mars 2020, ont appelé leurs adhérents à reporter les loyers et les charges à compter du 1er avril 2020 et, lorsque l’activité reprendra, à différer le paiement sans pénalités ni intérêt de retard pour les TPE/PME (250 personnes ; CA annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros).
L’ordonnance en date du 25 mars 2020 ()
relative au paiement des loyers interdit pour les entreprises éligibles au fond de solidarité (les critères : effectifs et chiffre d’affaire seront définis par décret) l’application des pénalités, intérêts de retard, dommages et intérêts, astreinte, exécution de clause résolutoire, clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges, pour la période du 12 mars 2020 jusqu’à 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Les obligations des parties dans un contrat de bail
De manière générale, on rappellera qu’au titre des obligations des parties, le bailleur a une obligation de délivrance rappelée à l’article 1719 du code civil. Elle oblige le bailleur à :
- délivrer au locataire un local apte à l’exercice de l’activité autorisée à la clause destination du bail et donc un local ouvert au public.
- faire jouir paisiblement le locataire pendant la durée du bail.
Quant au locataire, outre l’obligation de payer ses loyers, il peut avoir contractuellement une obligation d’exploiter son commerce dans les locaux loués. En l’absence de clause en ce sens, l’obligation d’exploiter est une condition d’application du statut des baux commerciaux, mais son inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail (Cass. 3è civ., 13 janv. 2015, n°13-25.197 ; Cass. 3e civ., 10 juin 2009, n° 07-18.618).
Les questions concrètes qui se posent dans le cas de la crise du Covid 19
L’ordonnance du 25 mars 2020 prévoir le report des loyers : ils ne sont pas effacés, mais reportés à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Elle bénéficie aux entreprises éligibles au fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020.
Les critères ont été précisés par le décret 2020-371 du 30 mars 2020.
Voici quelques-unes des conditions à remplir :
- L’effectif est inférieur ou égal à dix salariés ;
- le montant de chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros ;
- le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, est inférieur à 60 000 euros au titre du dernier exercice clos ;
- Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
- Les personnes morales ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
- Elles ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou elles ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, – par rapport à la même période de l’année précédente.
Non seulement, cela écarte les PME, mais surtout, ce texte ne prévoit que de reporter les loyers alors que les locataires sont :
- soit empêchés par la loi d’ouvrir leur commerce ;
- ou de les exploiter normalement (lorsque seuls les ventes à emporter et livrées sont permises) ce qui entraîne des baisses drastiques de chiffres d’affaires (70% au moins).
Pourtant, le code civil permet, non pas seulement de reporter les loyers, qui n’ont plus aucune contrepartie, mais de les effacer purement et simplement.
Les loyers doivent être effacés et non pas seulement reportés !
L’arrêté du 14 mars 2020 (modifié par arrêté du 15 mars 2020) ordonne la fermeture de tout commerce non indispensable à la vie de la Nation. Pour tous ces commerces, le bailleur n’est plus en mesure, de ce fait (on appelle cela le fait du prince) de satisfaire à son obligation de délivrance (article 1719 du code civil). Cette force majeure (article 1218 du Code civil) permet au locataire, qui n’a plus la possibilité d’exploiter son commerce dans le local loué, de ne plus payer son loyer, par exception d’inexécution (article 1219 du Code civil). Pour ceux qui sont empêchés de fonctionner normalement tout en pouvant ouvrir, on peut penser que la pandémie et les mesures restrictives associées (interdiction de se déplacer librement, obligation de sécurité de l’employeur quasi impossible à tenir) pourraient être reconnues en elle-même comme des cas de force majeure (par analogie, Colmar, 12 mars 2020).
Cette solution, consacrée par le droit commun est bien plus favorable aux enseignes que celle prévue par l’ordonnance adoptée en conseil des ministres le 25 mars 2020. Présenter celle-ci comme un gain pour les entreprises locataires est un véritable hold-up intellectuel et politique ! Les commerçants empêchés d’exploiter leur local doivent tous bénéficier de la remise définitive des loyers.
A noter que l’exception d’inexécution doit :
- être proportionnée : si vous pouvez continuer partiellement votre activité, le loyer doit être payé proportionnellement ;
- être notifiée formellement et en temps utile au bailleur.
Pour agir de manière simple : https://outils.gouache.fr/outils/coronavirus-loyers-courrier-avocat-bailleur
Jean-Baptiste GOUACHE
Avocat à la Cour – Associé | Gouache Avocats
Membre du Collège des Experts
de la Fédération Française
de la Franchise
Son équipe a accompagné plus de 400 enseignes et est intervenu sur des milliers d’opérations de distribution. Sa compétence est reconnue par le marché. Il est classé depuis de nombreuses années « incontournable » en droit de la franchise, « forte notoriété » en droit de la distribution et de la concurrence. Son équipe a reçu les trophées d’argent du droit de la distribution 2017.
Les meilleurs éditeurs et les facultés de droit accordent leur confiance à ses qualités techniques. Il est l’auteur de fascicules du Jurisclasseur (LexisNexis) sur le droit de la franchise et d’une chronique annuelle de droit de la franchise à la revue Contrats, Concurrence, Consommation.
Il enseigne en Master à la faculté de droit de Paris I – Panthéon Sorbonne, au DJCE de Rennes et à la faculté de droit d’Aix Marseille.
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